Gwennyn nous raconte "Immram" Est-il nécessaire de faire une introduction à une interview de Gwennyn, tant son discours est intéressant de culture et d'histoire de la Bretagne, de poésie et de tranches de vies. Et visionnez le Clip "Me ivez" en fin d'article !

Gwennyn nous raconte "Immram"

Est-il nécessaire de faire une introduction à une interview de Gwennyn, tant son discours est intéressant de culture et d'histoire de la Bretagne, de poésie et de tranches de vies. Et visionnez le Clip "Me ivez" en fin d'article !

Zic sur br8

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mercredi 16 février 2022 à 16h18

 

Ton dernier album IMMRAM est sorti en mai dernier. Où sa photo a-t-elle été prise ? Un titre d'album évocateur entre voyage ou périple ?

Album IMMRAM

Devant « l’Ile aux Femmes » sur la commune de Penvénan, dans les Côtes d’Armor. « Immram » évoque l’odyssée du moine-navigateur Saint-Brendan -ou Bran dans la mythologie celtique- qui est parti découvrir l’île merveilleuse du Tir-Na-Nog au-delà de l’horizon. Cette aventure racontée dans un ouvrage du XIIème siècle « Navigatio Sancti-Brendani » recèle un trésor d’histoires, de poésies et de symbolismes qui conduit au voyage intérieur que tout Homme doit faire pour se réaliser vraiment.

La Bretagne bénéficie de paysages magnifiques et inspirants. Est-ce que le visuel est important dans ta démarche artistique ?

La Bretagne brille de mille feux et rayonne de couleurs à travers ses paysages fabuleux mais aussi ses costumes traditionnels, ses édifices religieux et même sa gastronomie. Je m’y ressource, je m’y imprègne pour composer ma musique tel que Pascal Jaouen s’en inspire pour concevoir ses tenues splendides (que je porte sur scène). Nous sommes inspirés par ce bout de terre magnifique. Oui, la Bretagne est visuelle, mais aussi olfactive, sonore… Nos cinq sens sont constamment sollicités. C’est pour ça que c’est tellement dur de vivre dans un appart dans la région parisienne, quand on est breton.

Cet album est né du confinement ? Comme un besoin de voyage et de liberté. Comment as-tu vécu cette période ?

Comme une parenthèse enchantée. Dans ce monde de brutes épaisses, où nous sommes constamment ballotés par des informations oppressantes venant d’internet et des TV, des RDV et tout un tas de conventions à honorer, j’ai vécu cette période comme une trêve ressourçante et reposante. Mon voyage « Immram » a commencé dans ce contexte où mon intuition a pris le pouvoir et m’a apporté une inspiration débordante. Depuis, cette porte - devant laquelle je me tiens sur la pochette de l’album « Avalon » - ne s’est plus jamais refermée. Ma liberté était celle d’un prisonnier privé de ses « Libertés » fondamentales mais qui s’est évadé grâce à une conscience plus large de mon être. Une véritable clé pour découvrir un univers bien plus puissant que le monde extérieur auquel on attache tant d’importance !

Peux-tu nous exposer ton approche créative, ce qui peut t'inspirer ou te faire réagir ?

La musique, on la travaille à deux. Patrice Marzin est mon co-équipier depuis 15 ans maintenant. Au tout départ, lui se met à la guitare et moi au chant : on improvise. On enregistre tout. Et puis, les idées viennent. Quand on « tient » une chanson ou du moins une bonne idée, chacun travaille sur sa partie : moi je m’occupe du texte et Patrice de la partie instrumentale, des « arrangements ».

Tu as a convié le Bagad de Lann-Bihoué sur ton album IMMRAM, peux-tu nous parler de leur participation ?

J’ai connu le Bagad de Lann-Bihoué à Singapour quand on était en tournée en Asie. Nous avions été conviés avec toute mon équipe (on était 6 avec le sonorisateur) à célébrer une belle Fête de la Bretagne dans cette ville incroyable où on s’est retrouvés à faire un fest-noz sauvage devant un resto breton jusqu’à pas d’heure. Le courant est passé. Puis on s’est retrouvés sur un plateau de TV (France 2) aux Copains d’Abord en Bretagne, puis en festival. L’idée est née après tout ça, car on avait été frustrés de ne pas avoir pu jouer ensemble sur au moins un titre sur tous ces RDV. Alors, on s’est mis au travail (ensemble) et nous avons enregistré deux titres « War an Hent » en hommage à la Redadeg et « Kimiad » en hommage aux bretons expatriés.

Plus techniquement, tu as dû connaître la génération d'enregistrement analogique 4 ou 8 pistes. Une génération juste dernière nous qui disposait de beaucoup moins de facilité à produire un album et le diffuser en ligne. En termes de moyens techniques, est-il plus facile aujourd’hui de se réaliser ? Quel est ton rapport à la technique actuelle, j'ai entendu sur l'album AN TU ALL, ce titre «  GERIOU ZO GANTO , l'utilisation de ce que l'on appelle le scratch, utilisé en électro ou trip hop, apprécies-tu pouvoir utiliser une large palette de styles différents ?

Non, je n’ai pas connu l’enregistrement analogique (même pas pour ma toute première démo…) et je le regrette !! J’ai démarré grosso modo en 2002, date de mon tout premier enregistrement (numérique donc...) et abouti à un travail quasi-professionnel en 2005. Le démarrage a été lent, mais consciencieux, voire obstiné ! C’est à partir de ce moment-là que j’ai décroché mes premiers contrats dans une maison de disque. J’ai toujours voulu faire sonner le breton aux sons du XXI ème siècle. Et pour cela je suis accompagnée par un magicien (on l’appelle « Doc » dans le milieu) Patrice Marzin qui travaille ses propres sons électroniques et a un sens inné des arrangements. L’idée n’est pas tant de faire une musique actuelle « à tout prix » mais composer une musique authentique bien produite qui fasse résonner le breton comme une langue vivante et actuelle avec les préoccupations d’une femme de son temps.

Je t’invite à prêter une oreille aux enregistrements que nous faisons actuellement pour l’ultime défilé de Pascal Jaouen (qui aura lieu le 25/09/2022)…

J'ai entendu dans une de tes interviews, au début de ta carrière, que tu as chanté dans une église alors qu'Alan Stivell était spectateur, de là a démarré la carrière que l'on te connaît. Peux-tu nous parler de ce palier parfois étonnant de la vie où tout change ?

Ce moment unique dans ma vie a été le résultat d’une synchronicité incroyable. En fait, Stivell n’était pas spectateur : il a chanté avec moi. Ce jour-là, Kairos s’est invité dans ma vie et m’a proposé une autre voie.

Un jour de 1996, je retrouve par hasard une cassette sur laquelle un copain avait enregistré des titres qu’il aimait bien, dont un titre d’Alan Stivell, Kimiad (Adieu). Je trouve cette chanson tellement belle que je l’apprends par cœur : l'histoire d’un jeune soldat qui part pour de nombreuses années et dit au revoir à sa famille, à sa Bretagne. J’écris même les paroles en phonétique sur un bout de papier.

Le lendemain j’assistais aux obsèques de mon oncle, et là, dans l’église bondée, on commence à entendre une bombarde. À ma grande surprise, c’est Alan Stivell qui est là car je découvre qu’il est un ami proche de la famille. À la fin du morceau, il vient s’installer par hasard juste à côté de moi sur le banc. En fin de cérémonie, un silence de plomb s’installe. On n’entend que les bruits de pas des 300 personnes qui avancent lentement pour la bénédiction. Personne n’avait prévu de la musique.

C’est alors que je me retourne vers Alan Stivell et lui demande en breton s’il veut bien chanter avec moi, et de préférence cette chanson que je viens d’écouter en boucle…. Kimiad. Il a hésité, a balbutié ne pas se souvenir des paroles. J’ai sorti mon papier que j’avais dans ma poche, je l’ai pris par la main et nous sommes allés jusqu’au pupitre. On a chanté ensemble et j’ai réalisé en même temps que c’était une chanson d’adieu… Ce fut un moment de grâce. Nos deux voix s’accordaient bien et Alan m’a demandé ensuite de chanter avec lui le Bro gozh". Ce titre « Kimiad » est sur l’album, et je suis accompagnée par le bagad de Lann-Bihoué.

Trois ans après sa femme m’a appelée pour m’inviter à chanter sur son prochain album.

« Ça a changé ma vie. J’avais besoin de quelqu’un comme lui, qui me dise que je chantais bien, pour prendre confiance, pour me lancer, pour m’autoriser à y croire. Après cela, toutes les portes se sont ouvertes ».

Connaissant ton sens de l’engagement et en lien avec les titres  « ME IVEZ » et la « LA FILLE DU VENT »,

j'ai une question « Coup de pouce » :

Nous avons récemment reçu la jeune chanteuse Garlonn (21 ans) qui a gagné le concours au festival An Taol-Lañs à Langoned. Garlonn qui écrit et chante en breton. Nous avons été séduits par sa démarche très volontaire et rempli de maturité et notamment un titre qui s'appelle « Les Nanas »

lien vers le titre, « les nanas »

https://www.youtube.com/watch?v=jF1cpNZ2ILc

lien vers l'article de Garlonn

https://br8.fr/zic-sur-br8/a/10297226B.html

Que penses-tu de ces nouvelles démarches très singulières ? De cette reprise en main de son existence et qui n'attend plus rien des revendications passées ou actuelles ?

J’ai écouté aussi « Spi » (Espoir). Je trouve très beau ce qu’elle fait et je l’encourage vraiment à continuer à tracer son sillon (elle a un très joli nom en plus). Je vois une nouvelle génération de jeunes femmes qui osent se lancer dans la musique aujourd’hui en breton. Ces filles me donnent beaucoup d’espoir pour l’avenir de la langue bretonne et de la culture bretonne en général. Bravo à elles… Et surtout qu’elles continuent.

et pour quelques questions en Breton et ses traductions :

 - Que préfères tu entre la mer et la terre ? La mer !!!!!! 

   Plijout a ra dit kentoc’h : ARGOAT pe ARMOR ?   Armor !!!!

- Que préfères tu entre la rade de Brest et la baie de Douarnenez ? La baie de Douarnenez

   Plijout a ra dit kentoc’h : LENN-VOR BREST pe BAE DOUARNENEZ  ?  Bae Douarnenez (gwelet eus ar Menez-Hom)

- Quel est l'endroit ou tu préfères être en bretagne ? la presqu'ile de Crozon

   Peseurt lec'h a blij dit ar muiañ e breizh ? = Ragenez Kraoñ (eus Argol emaon)

   

  

Tu vas reprendre prochainement les concerts avec une date à Briec, peux-tu nous parler de tes dates à venir ?

Oui, ma tournée reprend enfin, après plusieurs annulations (une tournée de huit dates en Allemagne en janvier annulée, une date à Troyes également, heureusement reportée (mais 2023, ça fait loin !)

Nous serons à Briec le 26 mars, à Iffendic le 2 avril et à Ploemeur (Océanis) le 22 avril avec le Bagad de Lann-Bihoué, le 27 mai à Binic. Cet été nous avons des gros festivals en France, par exemple les FRANCOFOLIES de la Rochelle le 16 juillet. J’ai très hâte de retrouver mes musiciens Kevin Camus (pipe), David Pasquet (bombarde), Yvon Molard (percussions), Manu Leroy (basse), et bien sûr le public ! C’est comme retrouver des amis. Pour les infos billetteries et lieux/horaires exactes : il y a tout sur mon site internet : www.gwennyn.bzh

Pour nos lecteurs, peux-tu nous donner les liens de distribution de ton album IMMRAM

Voici pour le CD : https://www.coop-breizh.fr/10061-cd-gwennyn-immram-3359340163737.html

Et pour le vinyle : https://www.coop-breizh.fr/10579-vinyle-gwennyn-immram-3359340164567.html

Nous te souhaitons une belle reprise et espérant que nous puissions à nouveau nous réunir régulièrement dans les salles de concerts et autres lieux de spectacles.

Si la culture a encore beaucoup d'acteurs et de spectateurs convaincus, sa démarche est devenue complexe et merci à toi de contribuer à la faire perdurer.

Peux-tu en breton nous donner le mot de la fin ?

Ken a vo ar mor,
Ken a vo al loar hag ar stered,
En emgavimp en-dro er bed

Tant qu’il y a la mer,

Tant qu’il y a la lune et les étoiles,

Nous nous retrouverons quelque part dans le monde

Et si un jour tu sors ton eizh'éme album, nous espérons te recevoir de nouveau sur br8 !

Avec plaisir. Merci pour cette interview.

Mille mercis, pour ta poésie, ton engagement à parler de la Bretagne tel que tu le fais et que le vent porte les notes de tes chansons le plus loin possible


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